publié en français dans
La Belgique Apicole, 19(4), 1955, 72-80; avec leur permission. Original in Bee World, 35(10), 1954, 193-203. |
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par le Frère ADAM, O.S.B. Abbaye St Mary, Buckfast, South Devon - Angleterre. Traduction et adaptation française par Georges LEDENT Bruxelles, Belgique |
Dans ma relation précédente, concernant mes voyages et trouvailles en 1950, je déclarais que lenquête devait nécessairement sétendre à tous les pays riverains de la Méditerranée qui possèdent une abeille indigène de valeur remarquable. Fin juin, commencèrent les préparatifs préliminaires aux expéditions prévues pour lannée suivante. Dans une recherche de lordre envisagé, rien ne peut être réalisé sans laide directe et létroite collaboration des compétences de chaque pays à visiter. Plus les préparatifs auront été poussés initialement, plus les perspectives de succès seront probables. Huit mois consacrés à ce travail se révélèrent à peine suffisants. Je désire ici exprimer toute mon estime et toute ma gratitude aux compétences de chacun des pays visités, pour laide dont jai bénéficié. En fait, sans leur cordiale coopération, il ne maurait jamais été possible datteindre le succès obtenu.
Dans une enquête de ce genre, la détermination de lépoque et de la succession des pays visités est, dans une importante mesure, dictée par lavancement de la saison apicole. Ceci me réussit remarquablement, comme les événements le prouvèrent. Je quittai lAngleterre le 19 février avec comme premier objectif lAfrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie, Tripoli, la Cyrénaïque et lEgypte. Mais, après mon départ, un message fut reçu des autorités égyptiennes demandant de postposer ma visite en raison de complications politiques. En outre, alors que je me trouvais déjà en Algérie, le décret de loi martiale empêcha lexpédition prévue à lEst, le long de la côte africaine. De fait, il me fallut rentrer par mer à Marseille et, de là, membarquer pour Israël, où je passai dix jours. Je touchai Haïfa le 9 avril, visitai ensuite la Jordanie et la Syrie, le Liban, Chypre, la Grèce, la Turquie, la Yougoslavie, lItalie septentrionale et finalement lEspagne et le Portugal. Mais tandis que la tournée avançait, il apparut que, pour cette fois-ci, il me faudrait renoncer à la Turquie si je voulais terminer en temps utile avec les moyens dont je disposais. A mi-août, comme jarrivais aux Alpes Ligures, intervint un autre facteur qui remit en question 1inclusion, dans le voyage, de la péninsule ibérique, pour lautomne, quand bien même il semblait que le succès final de ma tâche dût en dépendre. Leffort soutenu depuis février rendait une interruption indispensable, mais après un court répit, je fus en mesure de regagner lAngleterre, le 28 septembre.
Labeille indigène de lAfrique du Nord est connue sous divers noms. Des naturalistes lappelèrent Apis mellifera unicolor var. intermissa. Le zoologiste V. BUTTEL-REEPEN lui donna la sous qualification intermissa dans lidée quelle était une espèce intermédiaire entre labeille unicolore de Madagascar et la variété Lehzeni de lAllemagne septentrionale et de la Scandinavie. Des recherches ultérieures devront déterminer si cette supposition est fondée. Néanmoins, la littérature scientifique connaît cette abeille sous le nom de intermissa depuis 1906.
DAmérique, Frank BENTON visita la Tunisie en 1883, pour déterminer la valeur des abeilles trouvées dans cette partie du monde. Il recueillit quelques reines et baptisa cette nouvelle variété du nom de « abeille tunisienne » supposant sans doute que cette race était cantonnée à la Tunisie. John HEWITT visita le même pays par la suite et fit connaître labeille nord-africaine aux apiculteurs anglais sous le nom « dabeille punique ». En Afrique du Nord, on la désigne communément comme « labeille arabe ».
La distribution géographique de cette race dans sa forme la plus typique ,est limitée à la région bornée à lEst par le désert de Libye, au Sud par le Sahara, à lOuest par lAtlantique et au Nord par la Méditerranée. En toutes directions se dressent donc des barrières infranchissables aux abeilles. Leur habitat natif, il est clair quil ne se borne pas à la Tunisie ; notre abeille est indigène tout autant en Tripolitaine, Algérie et Maroc. Néanmoins son centre de distribution principal se situe indéniablement sur les élévations dites « tell » par les Arabes, si bien que lappellation « abeilles du Tell » proposée par Ph. BALDENSPERGER, le premier, paraît la plus propre.
Il est fort surprenant que les recueils de références ne contiennent que de plus quindigentes indications sur les caractéristiques de labeille du Tell (tellienne), et presque tout ce quon en dit la déprécie.
Mes tentatives en vue de me procurer des renseignements de première main en important quelques reines dAfrique du Nord, il y a plus de trente ans, aboutirent à un échec. Me basant sur des informations recueillies dans lextrême Sud de la France et la Sicile, je nen fondais pas moins de grands espoirs sur la valeur de la tellienne en vue de son métissage. Ce que jai constaté dans son habitat indigène a confirmé ce que jen attendais depuis mon voyage de 1950 et ce que les études faites à nos propres ruchers en 1953 ont maintenant bien établi. Les recherches biométriques du Dr Friedrich RUTTNER, sur des sujets qui lui ont été procurés, ont corroboré mon point de vue relatif à la valeur de cette race pour le métissage : il a découvert chez la tellienne tous les caractères extérieurs connus des races dabeilles européennes.
Quand nous nous mîmes en route, fin février, presque partout régnaient des conditions hivernales. Un contraste, une transformation plus violents que celui qui me saisit en débarquant à Alger nest guère concevable. La floraison de loranger et de nombre deucalyptus était bien avancée en fait la profusion florale défiait toute description, dans les jardins et les champs, les bois et les maquis, les collines et le désert. Lessaimage battait son plein, et aussi la miellée.
Le professeur A. STURER était sur le quai à Alger, ainsi que M. Camille PARADEAU, un des apiculteurs professionnels les plus progressistes et prospères dAfrique du Nord. Je tiens à le remercier pour sa précieuse assistance sans laquelle je naurais pu venir au bout de ma tâche dans le temps dont je disposais. Les préparatifs quil avait accumulés les mois précédents, autant que sa connaissance parfaite des conditions locales, nous ont permis de pousser plus à fond notre exploration de lAlgérie et de le faire en un minimum de temps.
Nous avons visité en succession rapide une série de ruchers dans toute lAlgérie dans les vallées reculées dominées par les cimes neigeuses du Diurjura, dans le bocage primitif quon trouve encore par-ci par-là le long du rivage méditerranéen, sur le plateau peu peuplé qui sinsère entre lAtlas et le Sahara, et en bordure même du désert et même dans le désert. Nous avons visité un grand nombre de ruchers commerciaux ; ceux-ci principalement dans la région fertile entre lAtlas et la Méditerranée, où lon trouve des plantations de citronniers presque infinies. Cependant, nos recherches ont porté principalement sur des ruchers primitifs dans des endroits reculés du pays, où, par la force des choses, la tellienne a conservé au maximum sa forme et sa pureté.
Lapiculture extensive et lusage déquipement apicole moderne sont généralement limités à la population française. Les apiculteurs commerciaux progressistes sont partisans de lhybride italienne. Les ruches sont de modèle Langstroth ou Dadant. Les énormes étendues dagrumes, surtout orangers, fournissent la principale source de nectar. Des récoltes extraordinaires sont réalisées lorsque la saison est favorable et la conduite experte. Des rendements considérables sont obtenus également de leucalyptus, du romarin, du thym, de la lavande et de quantité dautres sources secondaires. Lapiculture pastorale est largement pratiquée par les professionnels.
Lapiculture des indigènes est ce quon peut imaginer de plus simple et de plus primitif. Dun bout à lautre de lAlgérie, nous navons rencontré aucun autre modèle de ruche primitive que celle qui est confectionnée de tiges de Ferula. La Ferula thyrsiflora pousse partout à profusion et atteint une taille gigantesque. Elle donne le matériel économique par excellence pour des ruches les tiges mûres sont récoltées à lautomne et une ruche complète revient à environ 75 francs français (anciens!). En cours de route, nous avons fréquemment croisé des chameaux et mulets se rendant au marché, chargés de ruches de ce modèle. Malgré la méthode primitive, lArabe fait des récoltes qui ne le cèdent en rien à celles de certains pays dEurope où léquipement et la conduite du rucher sont évolués. Sauf ce que peut lui coûter la ruche, larabe ne dépense rien pour produire son miel.
En Sicile, où lusage des ruches Ferula est aussi répandu, il est prévu une certaine protection contre le soleil et la pluie. Les ruches y sont proprement rangées en couches de quatre ou cinq superposées, avec jusquà vingt ruches côte à côte, le tout formant un bloc énorme de ruches. En outre, un hangar ouvert offre une certaine protection contre les extrêmes de la température et les pluies torrentielles. Dans un rucher arabe primitif, rien de cet arrangement ordonné et de ces précautions élémentaires. Généralement, les ruches en Ferula sont éparses à même le sol, à labandon et souvent en ruine. Les abeilles, ainsi exposées aux éléments, nont quà prospérer ou périr. Et pourtant, outre des extrêmes de température et des pluies torrentielles, il leur faut faire face à une armée dennemis telle quil ne sen trouve peut-être pas de pareille ailleurs dans le monde entier. Au cours des temps, dans cette ambiance, la Nature a modelé la tellienne telle que nous la connaissons. Mais, comme il est si souvent de règle là où lon trouve des qualités exceptionnelles, celles-ci mêmes sont à lorigine de certaines graves imperfections.
Avec une subtile unanimité, tous les traités sur lesquels jai pu mettre la main mentionnent la tellienne en termes péjoratifs. Cela se résume globalement à lappréciation et à la recommandation : « une race inférieure à peu près en tout point, à ne jamais importer où que ce soit ». Pourtant plus de vingt ans se sont écoulés depuis que Frank BENTON recueillait ses premières reines en Tunisie et, comme cela arrive si souvent, ce quen un temps on a rejeté comme sans valeur sest révélé par la suite précieux à lextrême, une fois mieux connu. La tellienne est sans valeur pour lapiculteur amateur, soit. Mais il ne subsiste guère de doute quelle est une des races ayant le plus de valeur en vue du métissage. Les services quelle est apte à rendre en cela dépendront largement du soin mis dans le choix de la colonie délevage et ceci tout aussi important du soin avec lequel il sera procédé au croisement pour provoquer lépanouissement des meilleures qualités de la race.
La tellienne pure est noire noir jais, oserait-on dire , plus noire que la « Nigra » dorigine suisse. Ce noir est accentué par la rareté de tomentum et de poil. Elle est peut-être un rien plus grande que sa cousine germaine lApis mellifera var. sicula de Sicile. Les reines sont de couleur plus uniforme que celles daucune race dEurope, noir jais, longues et minces, et fort pointues, à la différence de litalienne dodue ou de la pesante carniolienne.
Tant reines quouvrières sont vite en mouvement et capables de nervosité extrême lors des manipulations. De fait, quand on ouvre une ruche, les abeilles ont tendance à entrer en ébullition et à faire le carrousel de façon inquiétante dans la chambre à couvain. Mais calmées après quelques minutes de paix, elles se soumettront aux manipulations aussi docilement que toute abeille commune dEurope septentrionale. Elles peuvent avoir mauvais caractère, mais pas plus que les abeilles noires du midi de la France quon avait lhabitude dimporter en si grande quantité dans mon pays. Tout en étant tombé sur des lignées extrêmement coriaces au cours de nos recherches, nous avons découvert ailleurs quelques lignées maniables au plus haut degré. Suivant mon estimation, les défauts les plus sérieux de la tellienne sont :
- tendance extrême à lessaimage,
- forte accessibilité aux maladies du couvain,
- recours généreux à la propolis,
- operculation aqueuse.
En regard de ces défauts, sa vitalité, sa fertilité, sa puissance comme butineuse restent inégalées.
Lextrême propension à lessaimage tient indubitablement à lextrême vitalité et fertilité. La réceptivité innée et prononcée aux maladies du couvain est un défaut commun à presque toutes les variétés de labeille noire dEurope, en particulier de la française. Mais elle est plus accentuée encore que chez la française. En réalité, ces deux races ont beaucoup de traits communs, p. ex. la débauche de propolis. On retrouve une relation étroite entre les deux dans tous les caractères operculation exceptée mais les qualités sont plus marquées chez la tellienne.
La fécondité de la tellienne est remarquable. Mais lextrême fertilité est sans intérêt si elle ne saccompagne pas dun degré élevé dactivité, et cest en cela que la tellienne dépasse toute autre race. En outre, de cette activité découle toute une série de propriétés désirables : longévité, robustesse, puissance du vol, etc. Des observations faites en 1953 mamènent à penser que la tellienne est labeille ayant la plus longue vie. Jai aussi noté quelle garde son activité à des températures auxquelles nulle autre abeille ne mettrait le nez à la porte, pas même la carniolienne.
Comme déjà signalé, la tellienne na pas seulement à affronter des variations extrêmes en fait de conditions climatiques, il lui faut faire face aussi aux ravages dennemis innombrables. Lénorme escarboucle noir, cetonia opaca, inconnu en Europe du Nord, la menace constamment, prêt à ruiner les rayons sil parvient à sintroduire dans la ruche. Les abeilles paraissent bien navoir rien à opposer à cet ennemi. Pas plus, du reste, quau merops superciliosus, ce vorace mangeur dabeilles aux joues bleues, un des plus délicieux oiseaux de la création mais un ennemi mortel de labeille. Cet oiseau se nourrit dabeilles, bien quil gobe à loccasion une guêpe ou deux. Et, ce qui complique les choses, cest quil ne vit pas isolé, mais en volées qui en comptent jusquà cent. On estime quune bande de lespèce consomme sa livre dabeilles chaque jour. Heureusement cet oiseau émigre en septembre vers le cap de Bonne Espérance, mais il réapparaît en mars. Le frelon dOrient sévit en plein en Afrique du Nord ; néanmoins cest la fourmi aveugle dorylus fulvas qui est à considérer comme lennemi le plus sournois. Rongeant un trou à travers la planche du fond, sans quon sen aperçoive, cet insecte passe dans la ruche et, avant que le maître ne se soit rendu compte que quelque chose ne va pas, la colonie a péri et lenvahisseur a disparu.
Il y a constamment des lézards et crapauds autour des ruches. Quand on soulève le toit dune ruche, il nest pas rare den voir séchapper un flot de lézards. La fausse teigne constitue un problème sérieux dans tout pays subtropical ; toute colonie sans résistance, ou incapable de garder ses effectifs durant les mois dété, a peu de chance déchapper à la destruction à la suite de ses ravages.
On assure souvent que 1es colonies de telliennes présentent couramment le phénomène de la production de femelles parthénogénétiques ou sans paternité. Jusquici je nai rien découvert à lappui de cette opinion.
Notre enquête en Algérie naurait pas été complète sans lexploration des oasis du Sahara. Nous y aurions perdu une des meilleures occasions offertes par la Nature détudier les effets de multiples siècles de consanguinité sur labeille. En outre, tout incitait à penser que, dans lisolement complet dune oasis, il serait trouvé une lignée dun type apte au métissage. Bien quà court de temps, nous décidâmes de visiter Laghouat, Ghardaïa, Bou-Saada et, avec un peu de chance, peut-être lune ou lautre oasis moins connue.
Depuis mon arrivée en Afrique du Nord, javais vu beaucoup de la merveilleuse flore de lAlgérie : touffes éclatantes dimmaculées asphodèles, larges surfaces tapissées de soucis indigènes, calendula algeriensis, ou masses énormes doxalis corniculata rubra et variabilis, bouquets géants de léclatante erica arborea, et du thym mauve, bleu et pourpre. Il se peut que les districts primitifs du littoral méditerranéen contiennent la concentration la plus sensationnelle de fleurs sauvages. Les sources à nectar les plus importantes de la jungle subtropicale sont le romarin et la lavande lavendula stacchas qui prospèrent ici comme nulle part ailleurs. Mais, sur notre route vers le Sahara, nous découvrîmes une flore sauvage totalement différente. En pleine gloire printanière éphémère : un tapis épais sétendant dans toutes les directions jusquà lhorizon. Lair embaumait lourdement la douce senteur du miel, et le va-et-vient des insectes donnait limpression dun grand nombre dessaims croisant par-dessus nos têtes. Mais il ny avait pas dabeilles parmi cette foule. Dans ces régions désolées, elles ne pourraient survivre au bref et brillant enchantement du printemps.
A Laghouat, nous trouvâmes environ cinquante colonies dabeilles dont trois apiculteurs, lun chrétien, le second juif et 1e troisième mahométan, étaient les propriétaires respectifs. Au rucher du chrétien les abeilles étaient dans des ruches modernes tenues avec la sollicitude méticuleuse et maniaque caractéristique de lamateur. Chez le juif, cétait un conglomérat de ruches diverses aussi bien que de caisses de toutes formes et dimensions, suspendues en position renversée parmi les branches des mandariniers ; dans ces caisses, des essaims fraîchement enruchés. Sous les caisses, on pouvait ramasser à la douzaine des cadavres de reines vierges. Le troisième apiculteur, un officier arabe pensionné des forces françaises, nous permit aimablement laccès à la séclusion de son jardin dabeilles, mais seulement après que les formalités dusage eurent été strictement observées. Son rucher consistait en ruches de ferula, de forme et de dimensions traditionnelles, sauf que, pour quelque raison elles étaient enrobées dune épaisse couche dargile. Le vieil Arabe, fièrement, pointait le doigt vers une ruche disparaissant dans une montagne dherbe alfa, qui navait pas donné moins de sept essaims lannée précédente. Au terme de la saison dessaimage, il ne restait pas plus de deux à trois cents abeilles ; néanmoins cette colonie en miniature avait survécu et rempli la ruche de bâtisses nouvelles, de couvain et de miel prête de nouveau à reprendre ses aspirations colonisatrices. La consanguinité depuis des temps immémoriaux, peut-être navait pas eu ici deffet néfaste sur la viabilité du couvain et la vitalité des abeilles. Et de fait, cest à Laghouat que nous avons rencontré les plus puissantes colonies de pures telliennes, couvrant, en mars, vingt cadres de couvain de format Dadant. Les abeilles de loasis étaient remarquablement douces, nonobstant une violente tempête de sable déchaînée durant notre visite.
La fureur de cette tempête nous enleva toute possibilité de pénétrer plus profondément dans le Sahara. Il nous fallut revenir sur nos pas et même le trajet vers le Nord, vers Bou-Saada, se révéla une aventure périlleuse. Lextrême chaleur jointe au sirocco qui lescortait, aggravée encore par les difficultés de la piste du désert quil fallait suivre, nous fut presque fatale : pas deau à des miles à la ronde pour compenser celle que notre radiateur perdait. Bien que jaie eu à subir lépreuve de chaleurs extrêmes et des mécomptes de toute espèce durant les mois suivants, rien négala jamais le supplice du trajet de Laghouat à Bou-Saada. Nous atteignîmes Alger le 30 mars et partions le lendemain matin pour Marseille, doù nous nous embarquions le 2 avril pour Israël.
Je me suis abstenu de décrire plus amplement les caractères moins manifestes de labeille tellienne, parce que mes investigations ne sont pas terminées encore. Quoi quil en soit, tout ce que jen ai découvert jusquici indique que la tellienne est une race primaire, et que les nombreuses variétés dabeilles brunes ou noires tout au moins celles dEurope occidentale ont évolué au cours du temps à partir de la tellienne. Je nai pas, jusquici, eu le temps dexplorer la Péninsule Ibérique, mais les lignées que jai trouvées à lextrême Sud de la France ne sont, dans tous leurs caractères, distantes que de quelques degrés du prototype. Laffinité étroite est évidente. Le dessin de lévolution, au nord et au nord-est des Pyrénées, peut être facilement retracé et les différences sont affaire dintensité et de degré uniquement. Les études du Dr RUTTNER, sur de la matière dAfrique du Nord qui lui a été procurée, confirment mes ébauches de conclusions.
A la dernière minute des difficultés mempêchèrent dinclure le Maroc dans ma tournée de recherches de 1952. Je me vis, à regret, également obligé de renoncer à visiter les confins extrêmes du sud-ouest de lAlgérie, habitat de labeille saharienne.
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