Mes Insuccès !
Extrait de La Belgique Apicole, 17(10), 1953, p 229-231 Avec leur permission. |
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Article de Hector WALLON, MD Bruxelles, Belgique |
Parfois, je me relis et j’essaye de me juger. En récapitulant les articles publiés, je me suis aperçu que je devais donner, à certains lecteurs, l’impression de pratiquer une apiculture théorique aux résultats infaillibles. Il n’en n’est rien : j’ai, comme tous les chercheurs, eu de nombreux avatars. Leur exposé comblera une lacune. Tout insuccès subi et surtout reconnu et accepté constitue un enseignement. Si on parvient à en concevoir la cause, on peut essayer d’y porter remède et, lorsqu’on y arrive, on a accompli un progrès. Nous allons nous efforcer de classer les insuccès et essayer d’en tirer une leçon pratique. Tous les faits qui seront relatés ne sont pas nouveaux, mais, en les réunissant, nous pourrons en tirer des conclusions. Fécondation J’ai essayé, de nombreuses fois, d’élever des reines en nuclei, au milieu d’un apier essaimeur, en partant de couvain anecballique. Je n’ai obtenu, de cette façon, que des reines essaimeuses. En même temps, dans le même apier, une seule colonie renouvelait régulièrement sa reine et restait anecballique. A mes débuts, mon rucher était sous la surveillance du Docteur Convent et de M. Stassart. A cette époque, il était généralement admis que les fécondations étaient livrées au hasard. Mes maîtres admettaient, sans restriction, cette manière de voir. Quant à moi, je m’entêtais à croire le contraire sur l’exemple d’une seule colonie qui n’essaimait pas. A ce moment, les théories de Gillet-Croix et d’Anselme étaient peu connues et, partant, très peu appliquées. Dès que j’en ai eu connaissance, je les ai mises en pratique à l’arrière-saison, dans un endroit isolé et propice. Je suis arrivé rapidement à anecballiser tout mon apier. Essaimage A. Dans quelle proportion la fécondation d’une jeune reine par les bourdons de la ruche mère ou par des bourdons de l’apier se vérifie-t-elle ? Ayant en permanence une quinzaine de colonies, je puis vous indiquer un chiffre : j’ai eu, en vingt ans, trois essaims provenant de ruchées qui étaient anecballiques depuis des années. Il y avait eu mauvaise fécondation de la jeune reine issue d’un renouvellement. La première fois, l’essaimage est certainement dû à une mauvaise fécondation les abeilles s’étaient rapprochées du type italien, ce qui semble indiquer une fécondation de la reine par un bourdon étranger au rucher. La cause du second essaimage n’a pas pu être établie. En ce qui concerne le troisième, la colonie avait renouvelé en fin de saison au moment où je tentais de remérer des colonies bourdonneuses qui avaient été amenées chez moi pour subir un traitement à l’aide de la sexoclasine II. Contrairement à l’habitude de la lignée, cette colonie avait accepté des bourdons étrangers, ce qui eut pour conséquence, l’essaimage au cours de l’été suivant. Chose curieuse et qui mérite d’être signalée, la Layens qui essaima renfermait des cadres à bâtir. Je n’ai d’ailleurs jamais constaté que la cire à construire entravait ou retardait l’essaimage. Il en est peut-être ainsi pour certaines lignées d’abeilles. B. En ce qui concerne les reines élevées en nuclei, la fécondation est certainement plus livrée au hasard. Les retours à l’essaimage sont naturellement plus fréquents. Les reines que j’ai données sont forcément de celles-là, sauf quelques vieilles reines dont j’ai encore pu disposer à l’occasion de renouvellements. A propos d’essaimage, j’ai eu un insuccès sur lequel je crois devoir insister. Une reine d’origine anecballique étant devenue essaimeuse, j’ai essayé de ramener la colonie à l’anecballie en faisant féconder sa jeune reine dans un apier anecballique ou même dans une colonie anecballique : je n’ai obtenu que des résultats négatifs. Elevage Une lignée n’a pas que des qualités : je ne puis obtenir de mes abeilles qu’elles occupent, à demeure, une ruche garnie d’un ou deux cadres de couvain. Elles y séjournent quelque temps, même un jour ou deux, puis retournent à la souche en abandonnant le couvain. Il m’est impossible de faire un élevage sans disloquer complètement la souche : en la divisant en plusieurs nuclei, par exemple. Les abeilles, même en très petit nombre, n’ont jamais abandonné leur reine. Le fait ci-après est très peu fréquent. Cette année, j’ai vu naître un bourdon parfait d’une cellule maternelle introduite dans un nucleus. Le fond de l’alvéole était rempli de bouillie maternelle non recouverte d’une cuticule chrysalidienne. Perte de certaines qualités Quelles que soient les précautions prises il arrive que certaines colonies dégénèrent et deviennent indésirables. Nous ne parlerons plus de l’essaimage qui s’est montré peu fréquent. Mais il m’est arrivé que des colonies deviennent pillardes, oisives, agressives, etc. Dans ces conditions j’ai ai toujours remplacé la reine par une meilleure. Cette année, je possède une colonie qui semble réunir toutes les qualités mais qui rapporte moins que les autres : Cette colonie doit mal diriger son travail intérieur car la récolte y a été inférieure à celle des autres colonies. Cependant, les provisions sont bien disposées sur les cadres. J’avoue n’y rien comprendre : je vais remplacer la reine. Plan Demarée Même la simple translation du couvain m’a parfois occasionné des déboires. 1• Plusieurs fois, la reine a quitté la ruche pendant que je brossais les cadres et elle est rentrée à l’étage supérieur ou inférieur suivant son bon plaisir. J’ai été forcé de mettre un morceau de grille à mère au trou de vol de l’étage supérieur. 2• Un fait plus extraordinaire : une reine installée à l’étage inférieur passait sur le devant de la ruche et reprenait possession du nid à couvain situé à l’étage supérieur. Il a fallu mettre un bout de grille à mère au trou de vol inférieur. Cette particularité se fixa dans l’hérédité de mœurs durant trois générations. Mes abeilles sont, depuis 25 ans, sélectionnées en ruches superposables, genre Langstroth et en Layens. Dans ces conditions l’extension se fait soit de haut en bas soit latéralement, suivant le genre de ruche. La première manière est celle des colonies installées derrière les volets clos des maisons abandonnées dans la Haute Garonne. La seconde façon est celle des ruchées logées sous les planchers. Dans les paniers à calotte, les deux manières s’additionnent. La montée dans la hausse est générale chez les abeilles domestiques. Mais mes abeilles montrent une véritable répugnance à monter. Ceci a été constaté par différents apiculteurs ayant reçu des reines élevées chez moi. Chez M. Delval, deux reines de ma souche mises en Dadant-Blatt n’ont pas occupé la hausse deux années consécutives bien que les colonies soient devenues très fortes. Ce n’est que la troisième année que les abeilles se sont décidées à porter leur récolte dans la hausse sans toutefois y séjourner en grand nombre. Une des deux colonies a renouvelé sa reine au début de cette année et les abeilles se comportent actuellement de façon normale. Au cours de l’année 1953, nous avons traité, M. Delval et moi, à mon rucher, deux colonies : l’une suivant le plan Demarée (couvain moins deux cadres porté dans le corps supérieur, reine avec 2 cadres de couvain et cadres à bâtir dans le corps inférieur, les deux corps séparés par une grille à mère), l’autre simplement coiffée d’un second corps de rayons bâtis avec grille à mère entre les deux corps. Dans le premier cas, tout s’est passé normalement : les abeilles ont occupé les 2 corps de ruche. Dans le second cas, elles se sont cantonnées dans le bas et ont refusé de monter dans le corps supérieur. La question de l’éducation des abeilles est encore bien obscure. Aurons-nous le temps de l’étudier et de l’approfondir ? Lorsque, à l’occasion d’un renouvellement anecballique, j’ai prélevé la vieille reine et l’ai introduite dans une colonie essaimeuse (je ne l’ai jamais fait avant le 15 juillet) la colonie est morte ou est devenue bourdonneuse 1’année suivante, la vieille reine n’étant plus en état de pondre après l’hiver. Mais lorsque j’introduis cette vieille reine dans une population d’abeilles anecballiques, la colonie commence un élevage pour la renouveler, dès que la vieille reine a pondu quelques œufs. Quant aux aléas de la miellée, je n’y ai pas encore fait allusion, mais j’y suis soumis comme tous les apiculteurs. Je me bornerai à citer deux exemples. En 1932, ma récolte moyenne fut de 20 kg par colonie (8 ruches). En 1933, année de pluies continuelles, j’ai récolté 8 kg pour l’ensemble de l’apier, au même endroit et avec le même nombre de colonies. L’an dernier, fin mai, j’ai prélevé plus de 125 kg de miel de douze colonies. Cette année, le 15 juin, au même emplacement et avec le même nombre de ruches, je suis arrivé péniblement à récolter 70 kg. La cause en est les gelées de mars qui anéantirent les bourgeons floraux des arbres fruitiers du quartier et les froids de la fin du mois de mai et de la première quinzaine de juin. Le but de cet article est d’établir que les insuccès sont toujours possibles et que pour les raréfier il faut : 1• Sélectionner de façon continue. 2• Elever des abeilles d’une même lignée et persévérer malgré les avatars éventuels. Une lignée finit par s’adapter à son endroit, à un genre de ruche et aux méthodes de celui qui la cultive. Je tenais à montrer que rien ne peut se généraliser d’une façon absolue. L’apiculture est fortement handicapée par la généralisation de faits isolés, faits souvent contradictoires entre eux.
Extrait de La Belgique Apicole,
17(10), 1953, p 229-231
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