L’abbaye de Buckfast

Un modèle d’entreprise apicole britannique

Extrait de La Belgique Apicole,
15(5), 1951, p 172-174
avec leur permission.
Traduction de Schweizerische Bienenzeitung,
73(2), 1950, p 66-74
Article du Frère Adam, O. S. B.
Abbaye St. Mary, Buckfast, Sud Devon, Angleterre
Adaptation française
par Georges Ledent

Récolter du miel est l’objet primordial en apiculture, proclame le Frère Adam, et il ajoute : nos méthodes particulières d’élevage des reines sont considérées par nous comme le facteur essentiel sur lequel reposent nos succès.

L’abbaye de Buckfast, au S.E. de l’Angleterre, bénéficie de l’influence du Gulf Stream : climat extrêmement pluvieux mais doux, et temps constamment changeant.  Le voisinage du plateau de Dartmoor offre la possibilité d’une seconde grande miellée en août — vraisemblablement en miel de bruyère.  Les ruches, un dérivé de la Dadant, comportent 12 cadres et les hausses sont identiques au corps de ruche, la moitié quant à la profondeur.  Elles sont réparties en 10 ruchers totalisant 320 ruches de production disposées par groupes de quatre, tournées vers les quatre points cardinaux pour éviter que les abeilles ne « dérivent » d’une ruche à l’autre comme cela se produit lorsqu’elles sont alignées.

La récolte moyenne annuelle par ruche, ces dernières trente années, a été de 30 kg.  Un record européen sans doute de production a été atteint lorsqu’une des ruches emmagasina 65 kg en 5 jours.  Un extracteur radiaire à 44 cadres donne un rendement d’environ 100 kg de miel en 10 minutes.  Le miel de bruyère est pressé hydrauliquement avec application de chaleur sous une pression de 100 kg par cm2.  En 1949, 23 tonnes de miel furent ainsi extraites à la presse, en 12 jours.

Se basant sur une longue expérience, on estime à Buckfast que le seul moyen d’être de façon permanente à l’abri des maladies des abeilles et de développer la résistance de celle-ci au moyen d’un remérage pratiqué systématiquement.  On n’accorde guère de crédit aux divers traitements généralement préconisés : liquide de Frow ou médications sulpha.  En fait, l’acariose qui sévit dans le voisinage a été pratiquement écartée.  Au cours des années, on en est arrivé à penser que la résistance et la réceptivité à l’acariose sont héritées, et, qui plus est, le sont par le canal de la reine; le mâle n’y a pas d’influence directe à la première génération.  Il semble qu’il en soit de même en ce qui regarde les maladies du couvain, bien que la preuve n’en soit pas encore acquise.

L’élevage royal vise à contenir l’essaimage dans des limites acceptables, à obtenir un haut rendement moyen en miel et à développer la résistance aux maladies.  La race de Buckfast est un croisement datant de 35 ans entre indigène britannique — race qui, peu après, fut exterminée par l’acariose — et abeille italienne.  Depuis lors, pas d’apport étranger, sauf à titre expérimental.  L’expérience nous a appris que, pour parer aux inconvénients de la consanguinité, éliminer les caractères indésirables et obtenir les meilleurs résultats, la condition sine qua non consiste à avoir recours à quantité de reines éleveuses — tant en vue de l’élevage de reines que de celui de mâles.  C’est la seule méthode permettant des comparaisons efficaces, bases sur lesquelles se fait la sélection conduisant au maximum de pureté raciale et à une descendance dont la productivité sera maximale également.

L’abbaye a installé une station d’élevage en plein cœur de la lande de Dartmoor, où le climat est si rigoureux que tout essaim volage est voué à périr.  Un rayon de 10 km est libre de toute colonie d’où des mâles pourraient venir visiter la station.  Actuellement, cinq cents nuclei de fécondation y sont entretenus, permettant d’hiverner environ 400 reines fécondes.  Ce stock de reines permet de remérer les colonies, chaque printemps, au moyen de reines dans la pleine force de leur jeunesse, et c’est en cela, affirme le Frère ADam, que réside le secret du développement remarquable de nos colonies et de l’acceptation à 100 % de nos reines lors de l’introduction.

P.S. — Après de multiples expériences, le type de ruches adopté pour les nuclei comporte les demi-cadres Dadant.  La caisse en contient 16, en deux compartiments opposés dos à dos.  Ceux-ci sont ensuite divisés en deux longitudinalement, au moyen de partitions mobiles, étanches.  Chacun contenant donc 4 demi-cadres, est à même de se sustenter de lui-même durant l’été, en conditions normales, et d’hiverner sa reine féconde, tout en étant suffisamment petit pour éviter qu’il ne s’y fasse un élevage de faux-bourdons.


Comment le remérage est réalisé à l’abbaye de Buckfast ?

La méthode se base sur une série de constatations expérimentales qu’on peut résumer comme suit :

L’introduction telle qu’elle est généralement pratiquée donne environ 50 % d’échecs : pertes directes et pertes indirectes dues à ce que les abeilles remplacent la reine introduite, souvent à l’insu de l’apiculteur, ou tolèrent une reine, endommagée à l’introduction par exemple, dont le rendement sera toujours médiocre.

La théorie suivant laquelle la colonie a une odeur qu’il importe de faire prendre à la reine avant l’introduction n’est qu’une hypothèse, plausible sans doute, et convenant à expliquer des phénomènes non éclaircis.

Une jeune reine, fécondée depuis peu, est une créature délicate, fragile, nerveuse, timide.  Au bout de 4 semaines de ponte, son caractère et sa structure ont évolué déjà, bien qu’elle ne doive atteindre sa pleine forme que l’année suivante.  Les manipulations de la colonie ne la détourneront plus, à ce moment, de sa routine.

En conséquence, à Buckfast, les reines élevées en nuclei y passent l’hiver ; après quoi, elles peuvent être introduites en toute saison suivant convenance.  L’opération consiste plus exactement en une substitution immédiate qu’en une introduction proprement dite.  Elle est systématiquement pratiquée de la mi-mars à la fin de ce mois et occasionnellement en automne ou même au cours de l’été lorsqu’il y a avantage à remplacer l’une ou l’autre reine.  Le Frère ADam assure la réussite absolue.


Extrait de La Belgique Apicole,
15(5), 1951, p 172-174
avec leur permission.
Traduction de Schweizerische Bienenzeitung,
73(2), 1950, p 66-74
Article du Frère Adam, O. S. B.
Abbaye St. Mary, Buckfast, Sud Devon, Angleterre
Adaptation française
par Georges Ledent

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