L’acariose !
Une maladie liée à la couleur de l’abeille ?
Introduction à l’article du Frère Adam "
Un Défi Inévitable"

Par Jim HOLLAND, Lisburn, Irlande.
Original: Am. Bee J. 131(8) 1991, 507-508
Traduit et adapté en français par Jean-Marie V
AN DYCK

Il y a maintenant de plus en plus de preuves que les dégâts causés par l’acariose, au cours de ces dernières années, aux abeilles d’Amérique du Nord, peuvent être directement reliés à la couleur particulière de ces abeilles sensibles à l’attaque de l’acarien Acarapis woodi.

Cela ne surprendrait pas ceux qui étudient la génétique humaine.  Il est en effet actuellement établi que certaines maladies humaines peuvent être dues au défaut d’un gène particulier associé ou proche, par exemple, du gène de la mélanine ou à l’absence de celui-ci — c’est l’un des agents responsables de la pigmentation noire ou brune de la peau ou des poils.  Dans certains cas, cette maladie peut être liée à un gène particulier qui est sur le même chromosome qu’un gène codant pour la couleur.  Ou encore, par le fait d’une déficience enzymatique ou autre, une réaction en chaîne peut survenir, reliant la maladie en question à une chevelure de teinte argentée, par exemple.

Dans le cas de l’abeille, le Frère Adam de l’Abbaye de Buckfast, par son travail couvrant plus de la moitié de ce siècle, a établi la susceptibilité particulière de l’abeille “Golden” (de couleur dorée) ou “Jaune lumineux” vis-à-vis de l’acariose.  Cette liaison de la prédisposition à l’acariose avec la couleur dorée a été établie à Buckfast dès 1925.  Précédemment, il était largement supposé que cette variété italienne dorée descendait d’un croisement entre l’abeille cypriote et l’italienne.  Cependant, la totalité du groupe des variétés égyptiennes est orange, et pas jaune.  Et selon les résultats du Frère Adam, la variété dorée (golden) trouverait plutôt son origine dans un croisement entre une variété sombre de l’Europe occidentale et une abeille italienne jaune commune.  Le jaune fut alors intensifié par la sélection ultérieure.  Allan Pratt, le premier, à la fin du siècle dernier, éleva une lignée dorée en Pennsylvanie.  M. Sladen, au début de ce siècle, tenta de développer une variété dorée en Angleterre.  Le Frère Adam, au cours de ses croisements expérimentaux, découvrit la susceptibilité exceptionnelle et dominante de l’abeille dorée vis-à-vis de l’acariose.  Cette dominance1 fut confirmée encore en 1959, lorsque des abeilles ainsi colorées furent croisées à des lignées très résistantes comme la Buckfast.  Si davantage de confirmation était nécessaire, cela fut établi incontestablement à Buckfast au moyen de l’insémination instrumentale.  En 1972, du sperme de la variété dorée de Nouvelle Zélande fut utilisé, don du Dr John Harbo de Bâton Rouge.  Il est donc actuellement patent que de telles lignées sont dangereusement exposées dans les régions où sévit l’acarien Acarapis woodi.

Il serait pertinent d’ajouter que, ici en Irlande, la désolation due à l’acariose sévit encore, bien qu’en aucune mesure sur la même échelle qu’aux USA.  Cependant, elle concerne largement ces abeilles jaune lumineux qui ont été importées, principalement en Irlande du Nord.  Par contre, au cours des vingt dernières années, dans mes propres ruchers, peuplés exclusivement d’abeilles Buckfast, l’acariose a vraiment disparu.  Fait confirmé par l’analyse microscopique.  Confirmé, sans la moindre application d’une médication et en présence d’infestations locales étendues.

Mises à part ces remarques préliminaires qui n’avaient pour but que de présenter les travaux du Frère Adam, j’aurais voulu par ce petit mot, introduire plus largement la conférence présentée par le Frère Adam à l’Association des Apiculteurs Nova Scotia lors de leur réunion annuelle à Kentville en mars 1991.  Lors de cette manifestation, le Frère Adam envisage, non seulement le problème de l’acariose, mais aussi celui de la varroase.  Alors qu’il a largement surmonté le premier problème; malgré son âge — il a maintenant 93 ans — je n’ai pas le moindre doute qu’il soit déjà en route pour résoudre le second.  Le Frère Adam m’a donc aimablement autorisé à publier in extenso le texte de cette conférence.

Qu’un gène récessif ou dominant, mais gênant, apparaisse lorsque l’on élève des abeilles jusqu’à obtenir une couleur dorée, ou que ce soit un autre agent physiologique quelconque qui la prédispose alors à subir les dégâts de certains acariens parasites est une question académique.  Ceci n’est pas dit pour restreindre ce mot dans son acception “simplement académique”, comme s’il n’était d’aucune “importance pratique”.  Au contraire, ceux qui suivent avec intérêt les travaux du Frère Adam ne trouveront aucune dichotomie entre ce qui est “académique” et ce qui est d’une “importance pratique”.  Pour ces contributions, deux universités, l’une en Suède, l’autre en Angleterre, lui ont attribué le titre de Docteur en Science.

C’est donc une chose bizarre qu’à propos de cette susceptibilité de l’abeille à l’acariose, que le Frère Adam a établie si tôt au cours de ce siècle, ses découvertes semblent soit avoir été simplement négligées, soit avoir été réellement ignorées.  Les résultats obtenus en Europe, basés sur une large expérience sur le terrain, et confirmés par l’insémination instrumentale, ne laissent pourtant aucune incertitude.  Ce texte est donc vraiment digne de l’attention de tout apiculteur intéressé par les résultats pratiques.


  1) En plus de la dominance de ce caractère, le Frère Adam apporta, lors de ces expériences, une preuve de l’empreinte génétique de ce caractère chez le mâle: en effet, la maladie n’apparaît, dit-il, non pas chez les descendants directs — les abeilles sont ses filles — mais seulement à la génération suivante, chez ses petites filles (Note du traducteur).